La gagée des rochers à Seyssuel

Recours en référé contre Jérôme Ogier et Stéphane Ogier


Cet après-midi du 23 mars 2017, le recours en référé à l’encontre de Jérôme Ogier et Stéphane Ogier (aucun lien de parenté) engagé par la FRAPNA (Fédération Rhône-Alpes de Protection de la Nature) était examiné au tribunal de grande instance de Vienne.

Je préviens tout de suite que le compte-rendu que je vais en faire, de mémoire, comportera quelques approximations, mais je vais faire de mon mieux.

Etaient présents :

  • Un premier groupe composé de M. Stéphane Ogier, de M. Jérôme Ogier et d’une dizaine d’accompagnants,
  • Un second groupe composé de quelques membres de la FRAPNA et de quelques Seyssuelois,
  • L’avocat de MM. Ogier (dont je n’ai pas retenu le nom),
  • Elodia Bonel, juriste de la FRAPNA Isère, chargée de représenter l’association.

Je me trouvais dans le second groupe.

Il n’y avait aucune personne de la mairie de Seyssuel.

Il faut noter qu’Elodia Bonel n’est pas avocate, elle était donc la seule en civil au milieu de tous les avocats en robe noire et rabat blanc venus plaider les différentes affaires de l’après-midi.

Elle partait donc avec un certain handicap.

L’audience a tout d’abord failli être reportée, car l’avocat des Ogier n’a envoyé ses conclusions à la réprésentante de la FRAPNA que ce matin (les conclusions sont les réponses à l’assignation, apportées par l’avocat de la défense, elles doivent être communiquées à l’avance à l’ensemble des parties). Elodia Bonel n’a pas eu connaissance de ces conclusions car elle était déjà en chemin vers Vienne, elle n’a donc pas pu s’y préparer.
En agissant de la sorte, l’avocat des Ogier a mis la représentante de la FRAPNA au pied du mur : soit l’audience se faisait aujourd’hui et elle découvrait les arguments de la défense « en direct », soit l’audience était réportée. L’avocat des Ogier n’étant pas disponible la semaine prochaine, il fallait reporter l’audience d’au moins quinze jours. Elodia Bonel a choisi de plaider aujourd’hui.

Voici en résumé les arguments et les demandes de la FRAPNA.

La gagée des rochers est une espèce protégée au niveau national. En effectuant les travaux de défrichement, les viticulteurs ont détruit plusieurs stations. La gagée poussait sur des rochers qui ont été déplacés et entassés. De plus, la gagée est incompatible avec la vigne, notamment à cause des produits phytosanitaires utilisés.
La FRAPNA demande donc l’arrêt des travaux et la remise en place des rochers. Il faudra ensuite ne plus intervenir sur ces parcelles pendant huit mois pour permettre aux colonies de gagée de se reconstituer.

Voici maintenant les arguments de la défense.

  1.  L’assignation n’a pas été adressée aux bonnes personnes. Ce ne sont pas les personnes physiques propriétaires des parcelles qui auraient dû être assignées mais les sociétés qui les exploitent, à savoir le Domaine Michel Ogier et Les Sérines d’Or.
  2. Bien que la gagée soit protégée au niveau national, il faut qu’il y ait un règlement local pour faire appliquer cette directive. C’était le cas avec l’arrêté de protection du biotope, mais celui-ci a été annulé.
  3.  La gagée est bien compatible avec la vigne. Les colonies restantes se trouvent à proximité des vignes, car les secteurs défrichés par les vignerons lui ont permis d’avoir l’exposition au soleil nécessaire. Dans les secteurs qui n’étaient plus entretenus comme ils l’étaient auparavant par le club de trial, la gagée a disparu.

L’avocat s’est aussi étonné que personne ne se soit manifesté depuis le début des travaux, en octobre 2016. Ce n’est que le 1er (ou le 2) février 2017 que la DDT (Direction Départementale du Territoire) est passée sur le chantier pour constater l’état des lieux. Une semaine plus tard, les vignerons ont arrêté les travaux, de leur plein gré. Toujours d’après l’avocat, ils n’ont eu aucune nouvelle de l’administration depuis 1er février, que ce soit par écrit ou oralement, de la part de la DDT ou de la mairie de Seyssuel.

Alors là je suis étonné puisqu’il est indiqué depuis quelques semaines sur le site de la mairie que, suite à l’absence de demande d’autorisation de travaux « dans le contexte de défrichement d’une parcelle des coteaux, une démarche de sanction est engagée à l’encontre de quelques vignerons ». Je pensais que c’était la cause de l’interruption des travaux. Mais d’après l’avocat des Ogier, il n’y a eu aucun échange avec la mairie et ce sont les vignerons qui ont pris l’initiative de suspendre le défrichement.

C’est à n’y rien comprendre !

Mme le juge (ou madame la juge) donnera sa décision le 20 avril.

Compte-tenu des arguments avancés par les deux parties, je pense que la FRAPNA a peu de chances d’avoir gain de cause.

Certains vignerons n’ont pas hésité à utiliser tous les moyens juridiques à leur disposition pour faire annuler le PLU puis l’arrêté de protection du biotope. Ce qui est regrettable, c’est que le Préfet ait fait confiance aux vignerons et se soit contenté d’une promesse de charte de bonne conduite. Il aurait été bien préférable qu’un nouvel arrêté soit mis en œuvre, en trouvant un équilibre entre la protection de la biodiversité des coteaux (flore, faune, espaces boisés), l’intérêt des propriétaires et le développement raisonné des vignes. Les vignerons auraient pu développer leurs plantations tout en contribuant à l’entretien des zones colonisées par la gagée.

Malheureusement, libres de tout engagement écrit, les vignerons se sont empressés d’exploiter le moindre mètre carré avant l’entrée en vigueur du prochain PLU, qui leur sera certainement moins favorable, notamment avec l’apparition d’espaces boisés classés.


3 réflexions sur « Recours en référé contre Jérôme Ogier et Stéphane Ogier »

  1. Un beau gâchis.
    Suite aux différents articles et commentaires, le Trial Club de Seyssuel voudrait préciser :
    Si la Gagée des Rochers a pu se développer depuis 1990 sur 6 stations recensées, c’est grâce à des opérations de débroussaillage et d’entretien que le Trial Club effectuait régulièrement.
    Nous maintenons également notre position : La Gagée des rochers étant une plante à bulbe, il faut un vecteur extérieur (Animal, humain, etc..) pour la faire prospérer. Le Trial faisait partie de ces vecteurs.
    Nous avions proposé en septembre 2012, lors d’une réunion en Sous-Préfecture
    • Continuer l’entretien des terrains, sans subvention, pour permettre le développement de la Gagée des Rochers.
    • Poursuivre la pratique Raisonnée du Trial en espace sensible
    • Développer toutes les animations possibles avec la commune de Seyssuel.
    • Concertation constructive pour la mise en valeur de la Gagée. Par exemple création d’un « sentier de la Gagée » (affiches déjà en place), mise à disposition de nos installations à des jours et heures à définir pour des parcours pédagogiques …
    • Expertise demandée pour le mode de propagation afin d’anticiper les entretiens et le mode de nettoyage des parcelles (quelles espèces supprimer et comment ?)
    Ces propositions écrites n’ont pas été retenues par la DDT, et les associations écologiques.
    Le biotope a été signé en juin 2013.
    De juin 2013 à l’arrêt du Biotope en avril 2016, quelles ont été les propositions et actions concrètes de mise en valeur des coteaux de Seyssuel par les associations écologiques ? Elles ne manquaient pas de moyens financiers grâce aux importantes subventions quelles percevaient. (Nos impôts au passage)
    Alors que ces associations écologiques ne crient pas maintenant au Loup.
    Elles auraient accepté le dialogue, avec tous les intervenants locaux, nous n’en serions certainement pas là.
    Voilà où l’obscurantisme et le dogmatisme d’une minorité au nom d’un intérêt général, dont nous cherchons toujours les sens, a abouti.
    Lors de cette réunion de septembre 2012, un membre de La Gère Vivante reprochait au Trial Club « d’abimer les rochers par le passage des motos » (sic).
    Maintenant les rochers, « ils ont en pris un sacré coups ». Et Ils vont être remplacés par de la Vigne, qui aura au moins le mérite d’assurer richesse marchande durable et emplois. Ce n’est pas rien à l’époque actuelle !
    Tout le reste est un beau gâchis.

    Bernard Bramonte et Jean.Louis Tisnès
    Trial Club de Seyssuel.

  2. Pour info, d’un coté il y a Ogier fruit :
    http://ogier-fruits.com/certificationvergersecoresponsablesfr.html
    Extrait du site :

    CHARTE QUALITE :

    la Production Fruitière Intégrée (PFI) est une méthode de production de fruits de haute qualité donnant la priorité aux méthodes écologiquement sûres afin d’améliorer la protection de l’environnement et la sécurité alimentaire.

    Depuis septembre 2010, « Vergers écoresponsables » est devenue l’identité des fruits issus de vergers engagés dans la Charte Qualité des Pomiculteurs de France.

    La société Ogier Fruits est certifiée Vergers écoresponsables depuis 2015.
    […]
    La raison
    En s’engageant dans la Charte Qualité, les pomiculteurs de France respectent les principes d’une agriculture durable, compatible avec les attentes des consommateurs et le respect de l’environnement. Ceux-ci doivent suivre un cahier des charges strict, stipulant les bonnes pratiques de production en vergers.

    […]

    Et d’un autre coté il y a les mêmes personnes (si j’ai bien compris) qui rasent une partie de la forêt (protégée ou non, cela n’a pas d’importance si on attache de l’importance à la protection de l’environnement) pour planter des vignes….

  3. Le référé du 23 mars n’a rien donné.
    Ci-dessous le communiqué de presse de la FRAPNA et de Nature Vivante, qui appellent l’Etat à prendre ses responsabilités pour la défense des coteaux.

    -> Téléchargez le communiqué au format pdf

    -> Article à propos du précédent communiqué


    COMMUNIQUE DE PRESSE
    FRAPNA Isère – Nature Vivante
    Mercredi 3 mai 2017

    Destruction d’espèces protégées sur les Coteaux de Seyssuel :

    Assez de tergiversations, l’État doit prendre ses responsabilités

    De la concertation au passage en force

    Les coteaux de Seyssuel accueillent les seules stations de Gagée des rochers du département de l’Isère, fleur rare protégée au niveau national, ainsi que toute une biodiversité liée aux milieux secs et thermophiles.
    Ces coteaux sont l’objet d’un face à face de plus de 20 ans entre des intérêts particuliers promouvant la monoculture de la vigne et la préservation d’un patrimoine naturel et paysager d’intérêt général.
    Après 10 ans de concertation, un APPB (Arrêté Préfectoral de Protection de Biotope) est mis en place en 2013 sur une partie des coteaux (87 hectares) afin de préserver les 19 dernières stations de Gagée des rochers de l’Isère. En 2016, l’APPB est annulé pour « vice de procédure ».
    L’État en la personne de Madame le Sous-Préfet de Vienne, s’est alors refusé de reprendre la procédure et s’en est remis à un supposé « changement de mentalité » des viticulteurs et à l’élaboration d’une « charte environnementale et paysagère » écrite et cosignée par eux-mêmes.
    Certains ont vu cela comme une aubaine et se sont empressés de lancer les grands travaux de défrichement, affouillement, d’exhaussement et de labour dès que la saison est arrivée. 30 % des stations de Gagées ont été détruites et 20 hectares ont été déboisés.

    La FRAPNA Isère poursuit en justice les responsables

    Face à ces destructions illégales, la FRAPNA Isère (Fédération Rhône-Alpes de Protection de la Nature) et Nature Vivante ont déposé plainte le 7 février 2017 pour violation de la réglementation relative aux espèces protégées, à leur habitat et violation des dispositions du Code forestier (défrichement).

    Face à notre détermination, le représentant de l’État organise une réunion en Sous-Préfecture

    Vendredi 7 avril 2017, Madame le Sous-Préfet de Vienne réunissait les représentants de la commune de Seyssuel, de la DREAL Auvergne-Rhône-Alpes (Direction Régionale de l’Environnement de l’Aménagement et du Logement), de la DDT Isère (Direction Départementale des Territoires), de la FRAPNA Isère et de l’association Nature Vivante.

    Nos demandes argumentées et plusieurs fois réitérées se sont heurtées à un refus catégorique de la Préfecture de signer le projet d’APPB en arguant du caractère suffisant des réglementations actuelles concernant les espèces protégées et celles qui seraient issues du futur PLU (Plan
    Local d’Urbanisme) de Seyssuel.
    Par ailleurs, Madame le Sous-Préfet demandait aux participants à cette réunion (mairie, administrations, associations) d’organiser une veille sur le terrain pour établir et sanctionner tous nouveaux manquements.

    Assez de réunions inutiles, des actes

    La seule menace de sanctions pour destruction d’espèces protégées s’est avérée inefficace, le projet de nouveau PLU (Plan Local d’Urbanisme) de la commune de Seyssuel n’intègre pas les grands enjeux environnementaux des coteaux.
    La FRAPNA Isère et Nature Vivante, demandent instamment la signature du projet d’APPB afin de préserver le milieu de vie de la faune et de la flore locales ainsi que leur haute qualité paysagère. Les associations mobiliseront toutes leurs ressources pour protéger cette biodiversité rare et fragile et en appellent à une prise de conscience collective de la gravité des enjeux en présence.

    CONTACTS PRESSE :
    FRAPNA Isère
    Chantal Gehin (Présidente) – gehin.chantal@orange.fr
    Marion Herbin-Sanz (Chargée de communication)
    – 04 76 42 98 48 – communication-isere@frapna.org

    Nature Vivante
    Denis DELOCHE (Président) – deloche.denis@orange.fr
    Nicolas SOUVIGNET (Directeur) – 04 74 57 63 78 –
    contact@nature-vivante.fr

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